Interview de Eve, facilitatrice agile chez KNP (Caen)
Publié le
4 avr. 2022
Bonjour Eve ! Quelques mots pour nos lectrices et lecteurs sur la manière dont tu es arrivée au métier de facilitatrice ?
En 2000, j'ai fait un BTS informatique en Allemagne pour enchaîner une licence pro Webmestre à l'Université de Caen en 2003. Par la suite, j'ai commencé comme développeuse dans une des premières agences Web à Caen.
L'agence a été rachetée par une SSII parisienne (ESN pour les gens modernes), pour le meilleur et pour le pire. Le bon côté, c'est qu'on a eu accès à des gros projets nationaux et internationaux, mais évidemment on vivait aussi la pression qui allait avec. Les projets étaient tous vendus au forfait, les estimations faites par les commerciaux sans consultation des devs qui se retrouvaient en bout de chaîne avec un pouvoir de décision quasi nul. A l'époque la deuxième bulle internet, moins importante que la première, venait d'éclater, du coup le manque de temps était toujours répercuté sur les devs, et les heures supplémentaires jamais payées car on nous demandait explicitement de travailler par "passion". A partir de 2005 j'ai commencé à m'intéresser davantage à la gestion de projet technique, justement pour aider à ne plus subir les retards. Mais je ne pouvais pas changer les problèmes intrinsèques à l'entreprise.
Résultat de toute cette pression et de cette structure ultra hiérarchisée : burn-out en 2010. Heureusement que j'avais le soutien de mon entourage et c'est à ce moment là que j'ai réalisé que quelque chose ne tournait pas rond dans ce milieu et qu'il y avait forcément une façon d'agir pour améliorer les choses. D'autant que, même si j'étais sortie de son aspect technique, je restais fondamentalement attachée au métier de développeur et de l'informatique en général.
Ma transition vers l'agilité s'est concrétisée lorsque j'ai décidé de reprendre des études et de suivre le master Document numérique en réseau, ingénierie de l'internet (DNR2I) à Caen, où je faisais partie du Club Agile en 2010. A cette époque, je découvre et dévore les ouvrages de Jean-François Zobrist, Jurgen Appelo et Henrik Kniberg, qui sont restés mes références jusqu'à aujourd'hui. Fermement décidée à ne surtout pas retourner dans une structure du même type que celle que j'avais connu jusqu'ici, j'ai fait un premier stage chez KNP à Nantes pour la gestion de projet agile pendant 4 mois, où j'ai ensuite été embauchée.
Après environ un an, pas mal de choses avaient bougées et pour des raisons familiales, j'ai pris la décision de retourner à Caen. Mais comme on aimait bien travailler ensemble, après une petite période d'interruption, KNP m'a proposé un poste qui n'existait pas à l'époque, rien que pour moi. C'est ainsi qu'en 2012, je suis devenu "People Manager", plus tard connu sous le nom Happiness Manager, complètement à distance depuis Caen.
Aujourd'hui je fais davantage de facilitation, surtout parce que les équipes de KNP sont devenues plus autonomes et n'ont plus besoin du même type d'aide qu'auparavant. C'est une des raisons qui expliquent que je sois restée aussi longtemps ici : tout change tout le temps, le challenge de constamment s'adapter - j'adore ça.
Peux-tu nous dire sur quels projets tu travailles en ce moment ?
Alors, j'ai un projet "long terme", i24NEWS, sur lequel l'équipe est tellement autonome que je ne fait qu'animer la sprint review et planning hebdomadaire et les rétros mensuelles. J'ai aussi un autre projet pour lequel je fais beaucoup plus de gestion de projet car le budget est très restreint, c'est une petite association qui aide des jeunes avec la rédaction de leur CV. J'aide le client et l'équipe à travailler toujours sur les fonctionnalités les plus prioritaires du MVP, donc de créer constamment de la plus-value.
Je facilite aussi Anaka, Data project et Packaging pour le groupe Aristid, qui sont portés par le même product owner (PO). Ce sont des projets très rodés, où il y'a juste besoin de faciliter les dailies* et sprints events, car le PO connaît parfaitement ses produits et sa backlog.
Une équipe travaille sur la refonte prepECN, un site de e-learning pour les étudiants en médecine. Une refonte progressive qui demande beaucoup d'organisation technique en amont.
Mes tâches varient donc beaucoup d'un projet à l'autre !
En interne, j'aide nos "Teams" (un groupe de volontaires) à s'organiser. Comme nous n'avons ni de cheffe, ni de chef, les Teams suivent eux-mêmes les sujets qui émergent chez KNP comme la transmission de nos valeurs et savoir-faire aux nouveaux KNPeers, transmission de la qualité dans les projets, communiquer notre savoir faire à l’extérieur de KNP, transmettre notre savoir faire aux développeurs en dehors de KNP. La participation est libre, et à l'initiative de chacun.
Ah et je fais aussi les follow-ups !
Diable, mais qu'est ce qu'un follow-up ?
Pour les nouveaux arrivants chez KNP, ça consiste en une petite discussion qu'on a une fois par semaine pour essayer de détecter au plus tôt les éventuels blocages ou les besoins de formation. L'idée est d'accompagner au mieux les nouveaux pour qu'ils soient à l'aise sur les projets pendant leur période d'essai. C'est un petit rituel que l'on garde, à un rythme moins soutenu, avec des développeurs plus rodés, même ceux qui sont chez KNP depuis des années. Comme nous sommes plus nombreux, Cécile et Amandine (responsable formations) m'aident pour ces follow-ups.
L'idée est de vérifier que tout le monde se sent bien chez KNP. Si ce n'est pas le cas, on regarde ce qu'il est possible de faire.
Certains développeurs aiment bien donner des formations, passer du temps à écrire des articles, ou contribuer à des projets open-source, mais ce n'est pas quelque chose que l'on impose. Par contre, comme ce sont des contributions qui bénéficient directement à KNP, ça fait aussi partie des moyens que l'on a à notre disposition pour donner de la variété aux gens qui ont besoin de ne pas travailler que sur leur projet client pour être épanouis. Tous ces sujets sont discutés lors des follow-ups.
Est-ce que tu arriverais à dire ce que tu préfères dans ton job, au quotidien ?
L'entraide entre les KNPeers. Par exemple, la voiture d'un nouveau collègue a été enlevée par la fourrière son premier jour. Nous avons tous fait une cagnotte pour l'aider à payer l'amende. Ou notre KNPeer Emma, qui trouve pour chaque KNPeer des mots merveilleux pour son anniversaire sur notre instagram. Quand quelqu'un demande de l'aide sur slack, il y a toujours un KNPeer qui peut aider.
Lire l'interview de Cécile, facilitatrice chez KNP (Nantes).
Quand les nouveaux me disent qu'ils se sentent bien accueillis et acceptés, je sens que je suis vraiment au service de quelque chose auquel je crois.
J'aime aussi beaucoup le rythme du monde du web. On arrive rapidement à un résultat. Je pense que dans un autre corps de métier, où il est aussi possible de faire de l'agilité, j'aurais eu beaucoup plus de mal à manipuler des échelles de temps plus longues.
Un mot à ajouter sur l'aide que tu reçois de la part des gens de KNP ?
Paradoxalement, je pense que ce sont les moments où je rencontre une difficulté que je sais que je vais avoir le soutien de mon équipe. Cela est arrivé qu'on soit en dépassement de budget, à ce moment, personne ne cherche un.e coupable, mais des actions à prendre pour la suite. Je sais aussi que Cécile et Laetitia savent quand j'ai besoin d'aide pour mieux gérer une situation compliquée.
D'une manière générale, j'ai confiance en tout le monde pour savoir que si il y'a un problème, on se dira les choses.
Qu'est ce que tu dirais à quelqu'un pour lui donner envie de rejoindre KNP ?
Je dirais que ça dépend beaucoup du profil. Pour une facilitatrice, clairement le fait de pouvoir vivre l'agilité du début à la fin d'un projet. Les projets ne sont pas au forfait et cela permet de travailler avec nos clients d'une manière agile. Pour preuve, ça fait un peu plus de 10 ans que je travaille ici et ça a toujours autant de sens qu'avant. J'aime venir travailler, même quand il y a des périodes difficiles.
Pour un dev, le fait que les technologies changent tout le temps et qu'on s'y adapte. Quand je suis arrivée, on faisait principalement des "monolithes" Symfony. Aujourd'hui on utilise surtout Symfony pour réaliser des APIs REST, sur laquelle on vient brancher un front en javascript (le plus souvent React, mais on a aussi quelques projets avec Angular). Certains projets sont full javascript, backend et frontend. C'est une évolution qui est assez naturelle et fluide car elle est portée par les devs eux-mêmes, ce n'est pas une décision contrainte de la hiérarchie pour être "à la mode".
Enfin, en arrivant chez KNP, la personne peut être sûre qu'on fait le maximum pour faire en sorte qu'elle trouve du sens dans ce qu'elle fait en valorisant ses forces et en prenant en compte ses faiblesses.
Le rituel de la fin : un petit mot sur ce qui distingue KNP des autres boîtes ?
L'organisation horizontale avec très peu de hiérarchie, le fait que les gens soient au cœur des décisions, la liberté qu'on a de choisir les technologies en fonction des besoins du client, du projet, du budget, bref avec pragmatisme. On est constamment en train d'apprendre et de découvrir des choses, particulièrement grâce aux Hackathons et aux projets open-source. Ce sont des façons qu'on a trouvé de soutenir l'envie naturelle qui existe chez chacun de progresser et d'apprendre de ses erreurs. Et ça fait toute la différence.
Eve Vinclair-Berkemeier, facilitatrice agile chez KNP Labs à Caen.
Notes
* Daily ou stand-up meeting : point quotidien que l'on fait sur les projets, ou chacun explique sur quoi il va travailler dans la journée, et que l'on adapte en fonction des besoins du client.
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